Pour le premier article de septembre sur Grawr, quoi de plus logique que de vous proposer l'interview monstre que Guillermo Del Toro à donné à Mike Fleming, journaliste pour le site Deadline.
Celui-ci est loin d’être complaisant avec notre mexicain préféré, ce qui apporte une certaine fraîcheur à un jeu des questions/réponses souvent parasité par des questions peu pertinentes. On y parle de Pacific Rim bien sûr, mais aussi de la traversée du désert que furent les abandons du Hobbit et surtout, Les Montagnes Hallucinées.
MIKE FLEMING: Vous êtes finalement là avec un nouveau film.
Décrivez votre parcours jusqu’ici.
GUILLERMO DEL TORO: Deux ans en Nouvelle-Zélande sur The Hobbit, une
année à L.A. et au Canada à développer Les Montagnes Hallucinées. Par chance
durant l’année sur Les Montagnes Hallucinées, j’ai commencé sur Pacific Rim,
donc quand quelqu’un me demande pourquoi j’ai toujours quatre ou cinq projets
en développement, voilà la réponse.
Pour paraphraser John Lennon, une carrière
est ce qui vous arrive lorsque vous faites d’autres plans. J’ai déjà eu une
fois une période de creux de quatre ans entre Mimic et L’échine du diable et je
n’en avais pas eu depuis. Ca fait quatre ans depuis Hellboy II - Les légions d'Or Maudites. En 1998, mon père fut kidnappé durant 72 jours, j’ai dû émigrer au Texas et tout recommencer.
Je
me remettais de ma mauvaise expérience sur Mimic et par chance j’ai rencontré Pedro Almodovar, qui m’a totalement soutenu sur L’échine du Diable que je
considère comme mon premier film sur de nombreux aspects.
Pour moi, ce deuxième
creux de quatre ans, durant lequel j’ai trouvé Thomas Tull, Jon Jashni et la
Warner Brothers, fut vital pour continuer. Pacific Rim m’a donné cette
injection de vie dont j’avais terriblement besoin. Je suis revigoré, et sur le
plan basique de mon existence, j’en avais besoin. Besoin de cette expérience
positive.
Quand je suis revenu de The Hobbit et que j’ai rencontré les
personnes de chez Legendary, ça a changé ma vie. Thomas voulait que je lise le
pitch de Travis Beacham pour Pacific Rim et j’ai instinctivement vu ce monde.
MIKE FLEMING: Qu’avez-vous vu?
GUILLERMO DEL TORO: C’est un médium qui demande de gros
investissements et des raconteurs de ce niveau, il n’y en a que cinq qui sont
capable de faire ce qu’ils veulent; James Cameron, Peter Jackson, Steven
Spielberg, Christopher Nolan et Michael Bay. Pour nous, du reste, nous ne pouvons
seulement faire que quelques choses et elle sont le plus souvent très
linéaires.
Si vous êtes doué pour réaliser des comédies, l’industrie et le
public ne voit que le fait que vous ne fassiez que des comédies. Ca a été une
grande opportunité pour moi de sauter le pas de là où j’étais. Et ce fut
immense parce que je suis un si grand fan de robots et de Kaiju (monstres
géants), depuis que je suis enfant.
MIKE FLEMING: Vous voulez parler de ces films ringards de
monstres japonais…
GUILLERMO DEL TORO: Parlez pour vous. Vous voulez savoir un trucs au sujet de ces fantastiques
films de monstres ? Quand j’étais enfant, dix ans ou plus jeune, je voulais
voir un film nommé The War of the Gargantuas. Il sortait enfin et je savais qu’il avait été conçu pour être projeté
avec Frankenstein Conquers the World. Il fallait que je le voie et j’ai pris le
bus pour l’autre coté de la ville parce qu’un film comme ça n’était pas
diffusés dans les circuits A ou B, il sortait dans les cinémas Z.
C’était un
vieux palace de 2000 sièges, et j’étais là en train d’apprécier le film quand
quelqu’un depuis le balcon jeta le contenu d’un verre de pisse. J’ai tout pris
sur la tête. Et c’est à ce point que j’aime le Kaiju Eiga ; j’ai terminé
de regarder le film. Puis je suis sorti avec une coiffure tirée de Mary à tout
prix, et j’ai pris le bus retour et personne ne s’est assis près de moi.
Les
films asiatiques étaient certainement peu chers à l’achat et les cinémas de
Mexico furent submergés par ces films. Je les ai tous vus. Et tout cela me
revînt avec Pacific Rim. J’ai pitché des scènes à Thomas et Jon, ils m’ont dit, "tu dois le réaliser". J’ai
répondu que je ne pouvais pas, étant impliqué sur Les Montagnes Hallucinées.
J’ai donc pris
un poste de producteur et en un mois, nous avions fait animer un teaser trailer,
On avait les silhouettes de plus de 40 robots et de certains monstres et on
faisait sculpter des modèles en argile. J’ai fait la bible pour le film et je
me suis demandé : Bon dieu, quel réalisateur va jouer dans ce monde avec de tels
jouets ?
Les Montagnes Hallucinées semblaient enfin se produire jusqu’à ce que
j’appelle désormais le "Vendredi noir", ce ne fut plus le cas. J’ai appelé Thomas et lui
ai dit, j’arrive lundi, si tu es prêt à passer en pré-production. Et tout se
passa si vite. Je n’ai jamais bossé aussi dur sur un film pour atteindre le
budget fixé. On est arrivé à la fin sous le budget et avant le calendrier fixé.
Hellboy pris 135 jours, la suite 132. On a fait celui-là en 103 jours.
MIKE FLEMING: Vous êtes passé près de The Hobbit, très près pour Les
Montagnes Hallucinées. D’un point de vue extérieur, on a l’impression que comme le marié, on
vous a laissé devant l’autel deux fois, que la mariée ne s’est pas montrée. Comment
vous sentez-vous?
GUILLERMO DEL TORO: je ne sais pas si je l’exprimerais de cette
manière. Je suis le scénariste d’au moins du premier film du Hobbit. Le plus
douloureux est Les Montagnes Hallucinées parce que ce fut vraiment brutal. Ce fut dévastateur. Nous étions en
pleins repérages, à la frontière de l’Alaska, sur les glaciers, en hélicoptère.
Et j’ai reçu un appel et je dois revenir pour une réunion jeudi. J’ai dis, eh…pourquoi
avez-vous besoin que l’on se voit ?
MIKE FLEMING: Après j’ai écris que le film était suspendu parce
que le studio ne voulait pas faire un film classé R à 150 millions de dollars film et vous ai
donné raison sur le fait qu’il fallait que le film soit classé R. Pourtant de nombreux exécutifs des studios ont dit
qu’ils auraient fait la même chose, même si ils voulaient voir le film. C’est
difficile de voir son argent revenir sur un film R. Regrettez-vous de ne pas
avoir été plus flexible ?
GUILLERMO DEL TORO: Non. Mais vous êtes coupable de pas mal de mes
problèmes, pas sur Les Montagnes Hallucinées, mais vous étiez celui dont l’article
disait que j’étais occupé jusqu’en 2015, quand dans mon esprit je suis au
chômage et vais de film en film.
MIKE FLEMING: Eh bien, c’était un éditorialiste de mon précédent
travail au Daily Variety essayant de faire le malin. Mais ce que vous dites est
vrai. Mais auriez-vous revu le film pour faire baisser sa classification et le
faire avec un PG-13?
GUILLERMO DEL TORO: Je ne le regrette pas. Regardez Prometheus. C’est
un film d’horreur classé R qui n’a pas de grosses stars. Nous avions Tom Cruise
et James Cameron à la production. Mais je comprends complètement pourquoi ils
ont pris cette décision et je ne peux pas la contester. Je ne peux pas me
mettre à leur place. Je ne pourrais jamais avoir leur boulot car j’aurais
validé Les Montagnes Hallucinées et
beaucoup d’autres, mais je comprends.
Je suis là depuis 20 ans et je ne
prendrai pas la métaphore de l’autel car je sais toujours que tout peux
s’arrêter. Mais ça provoque toujours une putain de douleur. Vous avez des
centaines de dessins, des douzaines de peintures, des séquences storyboardées, des
animatics, ILM ayant fait un test phénoménal et me prouvant que tout ce que je
voulais était réellement possible. Ca fait toujours mal pour un réalisateur car
vous avez un film qui se déroule dans votre tête et vous voulez le montrer aux
gens.
Le manager de Del Toro Gary Ungar s’arrête à notre table
pour lui donner un paquet très bien emballé de papier bulle. Il l’ouvre, c’est
un journal à la couverture en cuir brun,
les pages remplies de dessins élaborés de Hellboy. Les dessins au crayon et à
l’encre ressemblent à des peintures, et les notes magnifiquement écrites de la main du cinéaste sont si parfaites que
le livre ressemble à un accessoire d’un film
dans le genre d’Indiana Jones ou du Da Vinci Code.
MIKE FLEMING: C’est magnifique. Etes-vous calligraphe?
GUILLERMO DEL TORO: C’était en gage au Musée de la Science Fiction de
Seattle. C’est juste mon carnet de notes sur Hellboy et d’autres choses. Ce
sont mes dessins et je les récupère. Je suis un obsessif compulsif, que
voulez-vous.
MIKE FLEMING: Ferez-vous tout de même Les Montagnes Hallucinées,
surtout si Pacific Rim vous rapproche de la catégorie des cinq réalisateurs
pouvant faire ce qu’ils veulent et que vous avez cité auparavant ?
GUILLERMO DEL TORO: Je veux tout d’abord voir Prometheus [Il y
aurait des similarités dans l’intrigue]. Pour moi, Pacific Rim est un
catalyseur de beaucoup de choses. On apprend petit à petit, et on le fait
publiquement. On fait ses erreurs devant un public. Assembler un mauvais
casting ou prendre une mauvaise décision éditoriale et tout est à propos du
résultat, comme un accident de voiture au ralenti, aux yeux de tous.
Chacun
peut voir votre tête rebondir, votre dos se rompre, et ils commentent chaque
fracture. Vous donnez des interviews, ou lisez les opinions. “Regardez la
manière dont son poignet s’est tordu! Il ne pourra plus marcher vu comme sa
colonne vertébrale s’est brisée!”
On apprend de cette
manière et il est rare de pouvoir le calculer ou le contrôler. Parfois on est
juste chanceux. Je désire réaliser de petits et de gros films fous et sur Le Labyrinthe de Pan j’ai été capable de faire avec un certain degré de contrôle.
Pacific Rim est la première fois où j’ai été capable d’articuler quelque chose
qui est purement divertissant, grand et courageux dans ce format.
J’étais
extrêmement conscient de chacun de mes choix, à la fois créatifs et financiers.
Je sui resté dans le budget et je voulais que ça fasse partie de l’expérience. D’être
aussi courageux et grand que possible, mais dans les paramètres fixés. La
narration vient en premier mais j’étais également producteur.
MIKE FLEMING: Au panel de Disney, les images de The Lone Ranger furent stylisées
et impressionnantes mais les premières choses qui viennent à l’esprit à propos
du film sont les problèmes de budget. A moins que vous fassiez une suite, il
semble très difficile de créer de nouveaux projets d’envergure. La pression
est-elle plus forte quand vous créez
quelque chose de nouveau?
GUILLERMO DEL TORO: Quand on est producteur et réalisateur, on fait le
vœu de pouvoir jouer d’un instrument et de savoir garder la mesure. Je sais que
chaque dépassement se paie très cher, vu que j’ai déjà du vendre deux voiture
pour garder des figurants pour cinq jours de dépassement. J’ai du tout préparer
donc si je dis qu’une scène doit prendre trois jours de tournage, elle en
prendra trois.
J’ai eu comme partenaires des gens qui croyaient au fait de
créer quelque chose de nouveau. Ils ne m’ont pas demandé de relancer une franchise
ou de faire une suite. Trouver des partenaires tels qu’eux, qui ne font pas que
seulement assumer le financier mais qui
baignent complètement dans ce rêve de création est une bénédiction qui n’arrive
pas souvent.
Mais par rapport à votre question, je ne crois pas qu’une expérience
soit complètement mauvaise et je ne cherche pas à jouer au naïf. Je ne sais pas
si j’aurais pu faire Pacific Rim sans avoir préparé The Hobbit et plus spécialement
Les Montagnes Hallucinées qui fut si près d’être fait. Ce fut comme un
échauffement pour préparer des films de cette taille, aussi bien financièrement
que techniquement.
Mes contacts avec ILM ont commencés avec Les Montagnes
Hallucinées, tous les créatifs qui sont sur Pacific Rim étaient des personnes
qui voulaient faire Les Montagnes Hallucinées. Elles savaient ce que je voulais
tenter, qui était une nouvelle manière d’employer des effets spéciaux. Le cœur de
cette équipe de créatifs est passé depuis Les Montagnes Hallucinées le vendredi à Pacific
Rim le lundi.
Cette dure expérience m’a permis de faire ça. Pour moi il est
plus difficile de se remettre d’un succès que d’un échec. Il est facile de se
perdre lorsqu’on analyse trop son succès. Notre culture nous apprend à gérer l’échec.
Regardes ce qui s’est passé, relèves-toi.
Personne ne vous explique comme
éviter les pièges de la réussite. Ce que l’on découvre par ses propres expériences.
On en découvre bien plus sur soi-même en surmontant des difficultés.
MIKE FLEMING: Vers quelles esthétiques vous dirigez-vous avec
Pacific Rim ?
GUILLERMO DEL TORO Je voulais faire un gros film d’aventure aux
couleurs saturées, des scènes de combats opératiques et des couleurs saturées
richement texturées. Etant enfant j’adorais les films d’aventures Korda et ils
furent mon inspiration. J’ai voulu évoquer ce sentiment, quand on est enfant,
de rêver d’être un cowboy, un pirate ou un astronaute.
Je ne voulais pas faire
un film de guerre, et évité tous les piges et tics visuels affiliés au genre :
les longues focales, des images bleutées superbement métalliques qui font penser à une vidéo de
recrutement, et ces esthétiques qui vous définissent immédiatement les héros
sauvant le monde. Je voulais que ce soit chacun d’entre eux qui sauvent le
monde.
Donc quand j’ai voulu Charlie Hunnam, Charlie Day, Idris Elba, Rinko
Kikuchi et Ron Perlman, ils ont compris. Des fois quand vous pitchez ça à un groupe
d’exécutifs vous les voyez leurs regards se perdre dans le vide et, oui, mais
on a besoin de ces cinq noms pour que ça fonctionne.
MIKE FLEMING: Etes-vous impliqué dans le remake par Legendary de
Godzilla?
GUILLERMO DEL TORO: Non, on a mis les choses au point très vite, nous
n’en parlons pas. Nos conversations sont limitées à ce sujet. Nous planifions
une séquence sur Pacific Rim et quand je l’ai décris à Thomas Tull, il y avait
un lieu connu et il m’a répondu « celui-ci est pris pour Godzilla. Tu
dois me garantir que tu ne feras pas détruire, écraser ou bruler ce lieu X, car
ça arrivera dans Godzilla. »
MIKE FLEMING: Cela vous semble-t-il bizarre d’être aux côtés de
The Hobbit avec Pacific Rim pour ce Comic-Con?
GUILLERMO DEL TORO: Non. Je n’ai encore rien vu, mais la décision de
quitter The Hobbit fut longue à prendre. Et quand vous prenez une décision
comme celle-là, vous ne regardez pas en arrière, du moins je ne l’ai pas fait. Je
pense vraiment que le film est entre de bonnes mains.
Je veux le voir et je lui
souhaite bonne chance. Pour moi, ce qui faisait mal était Les Montagnes
Hallucinées car je n’ai pas eu le temps d’y penser, de l’absorber. Cette année
fut très difficile. Mais il y a eu une contraction de l'industrie et il y a trois ans, Les Montagnes Hallucinées aurait pu se faire. Avec
la baisse des vente de DVDs et du Blu-ray, ils auraient pris un risque d’autant plus grand.
MIKE FLEMING: Les fans vont voir Les Montagnes Hallucinées de la
même manière que l’on voit le film Halo, et se demander ce que ca aurait donné si Neill
Blomkamp avait fait ce film à la place de District 9.
GUILLERMO DEL TORO: Vous mentionnez Halo. On a développé ce film avec
D.B. Weiss, l’un des créateurs de Game
of Thrones. On a fait un scénario et nul n’en a parlé mais c’était incroyable. Je
suis allé chez WETA, les ai rencontré pour parler des designs, eu une grande
réunion avec eux. Puis je suis parti et j’ai fait Hellboy.
MIKE FLEMING: Donc partir était votre choix?
GUILLERMO DEL TORO: Sur celui-ci oui, c’était mon choix.
MIKE FLEMING: Ca ressemble vraiment à un jeu de chaises
musicales et on comprend mieux à quel point il est difficile de convoquer le succès,
spécialement aujourd’hui, alors que les studios ne semblent plus rien savoir
faire d’autres que des suites.
GUILLERMO DEL TORO: Ca a pourtant toujours été comme ça, non ? Quand vous
connaissez les varies histories derrières la réalisation des films, ça a
toujours été complexe. Déjà à l’époque, seulement quelques personnes pouvaient
faire ce qu’elles voulaient, que ce soit Capra et Sturges, ou Howard Hawks.
Les
noms changent, mis c’est toujours attribué au même nombre de personnes Je
disais d’ailleurs à un exécutif de studio l’autre jour que dans la meilleure
des circonstances, quand on embauche un réalisateur, on engage soit un gars qui
sait y faire avec les acteurs, soit le créateur d’une vision , ou peut-être un
gars qui va apporter un certain ton qui va faire de ses films quelque chose de
reconnaissable.
Le reste est de la chair à canon. Et toutes les autres idées préconçues qui pouvaient guider le business du cinéma
toutes ces années, comme compter sur les stars pour réussir le film, ont
complètement disparues.
MIKE FLEMING: Comment ressentez-vous ça ?
GUILLERMO DEL TORO: Je pense que c’est excitant. A la fin si vous avez
une histoire qui valle la peine d’être racontée, vous la raconterez. Si vous ne
pouvez raconteur votre histoire avec seulement une fraction du budget, alors
vous devriez vous inquiéter. Ca peut vous amoindrir. Mais si vous écrivez un
livre, ou faites un film à petit ou moyen budget ou que vous racontez votre
histoire sous forme de roman graphique, alors c’est un moment très excitant.
MIKE FLEMING: Vous avez mentionné Michael comme faisant partie
des cinq personnes. Après John Carter et Battleship, j’en ai entendu plus d’un
qui s’était trouvé du respect pour Bay et du talent qu’il faut pour faire de si
grosses machines à pop-corn.
GUILLERMO DEL TORO: Un grand nombre de gens pense, à tort, que tout devient
plus facile si on a plus d’argent. C’est faux, car on ne fait que manœuvrer un
plus gros bateau. Imaginez vous à la barre d’un petit bateau de pèche. Si vous
passez à la barre d’un pétrolier transatlantique, ça ne rend pas les choses
plus faciles à la barre, c’est bien plus lourd.
C’est un sentiment que l’on
retrouve du coté du CGI, cette croyance que ça se fait tout seul alors que le
réalisateur est en virée avec une starlette, le téléphone sonne et il demande :
« Alors, comment avancent les CGI ? » Mais c’est une logistique
bien spécifique, une opération quasi militaire qu’il fait savoir gérer.
MIKE FLEMING: Comment cela vous aide-t-il d’être au Comic-Con avec
un film qui ne sortira pas avant l’été prochain?
GUILLERMO DEL TORO: Pour moi le Comic-Con a toujours été d’une grande
valeur, quel que soient mes projets, je veux en être. Spirituellement c’est
pour moi un endroit magnifique, j’aime vraiment le Comic-Con. Je me sens chez
moi. Que ce soit pour Pacific Rim ou Le Labyrinthe de Pan, je viens ici.
MIKE FLEMING: C’est facile d’être condescendant et cynique, mais
la passion de la foule est charmante quand on peut l’observer d’aussi près.
GUILLERMO DEL TORO: C’est bien plus pour moi. C’est facile d’être réactionnaire,
d’être comme ses parents dans les années 50 regardant leurs enfants avec le
rock'n roll. Qu’est ce que tu fais dans ta chambre toute la journée ? Tu fais
rien! Pareil pour les jeux vidéo. Mais le talent requis pour créer une interface
narrative dans un jeu vidéo, c’est bien plus grand et transformant.
Et ça a changé
la manière d’aborder la narration visuelle. Les vagues culturelles sont
déclenchées par des chocs. La contreculture a percuté la narration dans les
années 70 ce qui a donné une manière plus réfléchie, plus hardcore de faire des
films, et on a maintenant la pop culture qui percute la narration et c’est sur
cette vague que l’on surfe.
MIKE FLEMING: Il est difficile de définir la vague actuelle.
GUILLERMO DEL TORO: Il ya une convergence très intéressante entre cette conscience aigue de soi de la pop
culture, à un point tel que rien n’est considéré trop inaccessible pour être
récupéré par une corporation qui va en faire quelque chose de commercialisable.
C’est le mauvais aspect de la
chose.
Dans le même temps, vous voyez une partie de la jeune génération socialement
galvanisée d’une manière collective, que ce soit pour le piratage ou pour
occuper Wall Street. Ce sont des temps curieux. Moi-même, à 47 ans, je suis
plus intéressé dans la recherché de ce qui est vivant, où se trouve le pouls de
tout ca, plutôt que de pleurer ce qui a disparu.
Pacific Rim sortira aux USA le 12 juillet 2013. La Belgique ayant une date fixée au 17, gageons que la France suive la même direction.